Dre Carmen Logie, Yasmeen Persad, Dre Ashley Lacombe-Duncan

Le 31 mars est la Journée internationale de visibilité transgenre, un événement annuel consacré à célébrer les personnes transgenres (trans) et leur contribution à la société, tout faisant de la sensibilisation au sujet de la discrimination à laquelle elles font face.

Au Réseau, nous avons à cœur d’améliorer la santé et la vie de tous les Canadiens, y compris des membres de la communauté LGBTQIA2S+. À ce sujet, l’étude CTN 317 ou TEACHH (Transgender Education for Affirmative and Competent HIV and Healthcare) du Réseau vient de prendre fin. Il s’agit d’un projet en collaboration mené par des personnes trans qui avait pour point de départ les interventions existantes pour la réduction de la stigmatisation liée au VIH et des formations en matière de compétences trans. Le principal objectif de l’étude était de concevoir un atelier spécifique sur le lien entre l’identité de genre et le VIH.

Nous sommes avec la Dre Carmen Logie, investigatrice principale, et deux co-investigatrices, la Dre Ashley Lacombe-Duncan et Yasmeen Persad, pour parler de l’étude TEACHH et discuter d’autres difficultés auxquelles sont confrontées les personnes trans et de la façon dont nous, en tant que société, pouvons reconnaître et aplanir ces difficultés, particulièrement dans le domaine de la santé.

« Il faut voir la part d’humanité chez chacun. Les personnes trans sont des êtres humains à part entière. Nous avons des espoirs et des rêves, des amis, des familles, des difficultés à surmonter et une pandémie à traverser. Le gros problème réside dans l’incapacité de percevoir la part d’humanité qui nous relie tous. » – Yasmeen Persad

Notre conversation a d’abord porté sur la stigmatisation, un thème qui à lui seul pourrait alimenter des heures de discussion. « Pour les personnes trans, la stigmatisation n’est qu’une pièce du casse-tête. Il y a une intersectionnalité entre racisme, travail du sexe, stigmatisation liée au VIH, toxicomanie, statut d’immigration et beaucoup plus », explique la Dre Logie, professeure agrégée de travail social à l’Université de Toronto. « C’est difficile de déterminer avec beaucoup de précision comment  la stigmatisation a évolué au cours des ans en raison de cette intersectionnalité. Au bout du compte, chaque personne vit la stigmatisation à sa façon. »

Depuis une dizaine d’années, Yasmeen Persad, une activiste trans qui donne des formations et fait de la sensibilisation au sujet des enjeux LGBT, résumait comme suit la forme que prend l’intersectionnalité dans la vie de tous les jours. « Parfois, je me demande si je fais l’objet de racisme ou de transphobie, ou d’une autre forme de discrimination. C’est pourquoi il est difficile de mesurer le type de stigmatisation dont on fait l’objet et de s’y retrouver au quotidien. »

L’un des principaux objectifs de l’étude TEACHH était de trouver des solutions à la stigmatisation et aux difficultés d’accès aux soins pour le VIH. L’équipe de recherche a organisé des groupes de discussion avec des femmes trans afin de parler de santé sexuelle, de VIH et d’accès aux soins. D’autres entrevues semi-structurées ont été menées avec des fournisseurs de services pour explorer leur point de vue sur les éléments qui freinent ou facilitent les services de prévention du VIH et autres pour les femmes trans. Le souhait était qu’en comparant les points de vue des deux groupes, on puisse promouvoir une vision partagée pour atteindre l’équité en matière de santé.

« Pour s’attaquer à la stigmatisation, il faut s’engager envers les personnes qui la subissent. Les  interventions doivent venir des gens qui en ont fait l’expérience dans leur vie. C’est pourquoi je crois que des études comme TEACHH et notre autre étude, TRANScending Love, ont un tel pouvoir. » – Dre Carmen Logie

Durant les conversations des chercheuses avec les participants aux groupes de discussion, il est devenu clair que des interventions s’imposaient pour combler les importantes lacunes dans les connaissances des fournisseurs de services et améliorer leur façon de traiter les femmes trans vivant avec le VIH. Certains changements pourraient être apportés à l’échelle des intervenants individuellement, mais des changements systémiques sont aussi nécessaires, comme des politiques antidiscriminatoires et une formation sur l’intersectionnalité afin de réduire les préjugés.

« Ce n’est pas une question strictement médicale, » explique la Dre Lacombe-Duncan, professeure adjointe de travail social à l’Université du Michigan. « C’est aussi une question de contexte social, de stigmatisation et de façon de créer des liens. Ces réflexions ont réellement guidé les étapes suivantes de la formation offerte par Yasmeen aux fournisseurs de services concernant les pratiques d’affirmation de soi des personnes trans, à l’échelle des individus et des organisations. »

Les pratiques d’affirmation de soi pour les personnes trans peuvent inclure une attention particulière aux noms et aux pronoms, et un rappel de ne pas faire de suppositions, de montrer du respect dans toutes les formes d’interaction et de se comporter comme des alliés.

Donc, à qui s’adresse la formation sur la prestation de soins respectant les pratiques d’affirmation de soi pour les personnes trans, et quand est-elle nécessaire?

Yasmeen répond : « Tout le monde a besoin de cette formation ». « Les travailleurs de première ligne, les étudiants en médecine ou en travail social, entre autres, mais aussi les intervenants en santé mentale, les responsables des services d’habitation… On peut difficilement affirmer que tel groupe en a plus besoin ou en a besoin plus urgemment qu’un autre, parce que ces services sont tellement interconnectés. Par exemple, si une personne trans reçoit de bons soins de santé, cela pourrait stabiliser son statut d’emploi et d’hébergement. Et avec plus de stabilité, elle aurait plus de contrôle sur ses finances et créerait des liens plus significatifs avec autrui. »

Si on fait référence aux obstacles qui nuisent aux soins, il ne faut pas se limiter aux intervenants. Il faut aussi tenir compte de l’accessibilité des lieux physiques où ils sont dispensés. Par exemple, certaines salles de toilette dans les organisations de lutte contre le sida (OLS), ne sont pas assez intimes et certaines sont encore très genrées.

Et que dire du transport? Beaucoup de centres de soins de santé et d’OLS sont situés dans des grands centres urbains, ce qui les rend difficiles d’accès pour les gens des petites communautés ou des régions rurales. On ajoutera aussi l’enjeu de la sécurité et du prix du transport pour se rendre au point de service. Les transports en commun ne sont pas sécuritaires pour tous, notamment pour beaucoup de personnes trans. Certaines d’entre elles peuvent avoir été victimes de discrimination en matière d’emploi, donc les coûts pour se rendre à des rendez-vous est inabordable.

« Si les personnes doivent emprunter les transports en commun pour se rendre à votre clinique ou votre centre, pensez à offrir un horaire flexible pour leur éviter la cohue des heures de pointe. Vous pourriez peut-être aussi offrir d’autres moyens de transport, « suggère la Dre Logie. « C’est une façon de se montrer sensible aux privilèges dont bénéficient les personnes cisgenres. »

« En tant que personnes cisgenres nous devons faire notre possible. Nous allons faire des erreurs, mais il faut les reconnaître, s’en excuser, apprendre à s’améliorer et aller de l’avant. Même si on est bien informé, il faut se rappeler que toutes les personnes trans sont uniques. Elles n’utilisent pas toutes le même langage et n’ont pas la même perception des pratiques d’affirmation de soi. Lorsqu’on dessert des personnes trans, il faut être renseigné et prendre le temps de faire leur connaissance », ajoute la Dre Ashley Lacombe-Duncan.

Que vous soyez intervenant ou chercheur ou que vous souhaitiez simplement en apprendre plus sur la façon de s’engager de manière positive avec la communauté trans, ce qu’il faut retenir, c’est l’écoute.

« Écoutez les personnes trans. Écoutez leurs besoins et avancez dans cette direction. Souvent, les gens arrivent avec leurs propres intentions, qui ne sont pas mauvaises, mais qui ne cadrent pas toujours avec la réalité. L’écoute est la clé », préconise Yasmeen.

La Dre Logie ajoute, « les personnes cisgenres ont besoin de chercher et d’apprendre au sujet de leurs privilèges. Il existe des vidéos, des séries, des balados et d’autres ressources en ligne (voir la liste ci-dessous). Prenez le temps d’écouter les histoires, les voix et les expériences des personnes trans. Vous ne voulez pas placer la responsabilité de la formation et de l’enseignement constamment sur la personne marginalisée. L’information est déjà accessible. Il faut prendre le temps et se donner la peine d’apprendre.

Êtes-vous en recherche et souhaitez-vous vous engager auprès des personnes trans? Voyez les conseils formulés par Yasmeen et  les Dres Logie et Lacombe-Duncan :

  • Commencer par chausser des lunettes d’amour et d’espoir
  • Renseignez-vous sur la communauté et créez des liens
  • Vérifiez les besoins et les priorités des personnes auprès desquelles vous vous engagez : tenez compte des enjeux sociaux
  • Prenez conscience de votre pouvoir et de vos privilèges
  • Offrez une rémunération appropriée et présentez le travail aux participants
  • Réfléchissez à qui présentera la recherche. La communauté sera-t-elle impliquée?
  • Faites preuve de souplesse

« Posez-vous sans cesse les questions suivantes », ajoute la Dre Lacombe-Duncan. « Quel est mon rôle dans ce travail? Suis-je la bonne personne pour s’en occuper? Pourquoi fais-je ce travail? M’y a-t-on invité? Il est indispensable d’avoir ces conversations avec la communauté. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est si important. »

Ressources additionnelles :

Écrit par :

Hannah Branch

Ms. Hannah Branch joined the communications department in the fall of 2019. She holds a degree in Human Biology from the University of Birmingham and has over eight years’ experience working in science and health. Starting her career as commissioning editor of two medical journals, Hannah has since worked in other medical communications and PR roles, developing training materials and campaigns across a variety of health care areas.