Depuis 1993, le Comité consultatif auprès de la communauté (CCC) du Réseau a transformé le cours de la recherche sur le VIH au Canada. À l’époque, le CCC a innové en invitant des personnes vivant avec le VIH à la table pour passer en revue les propositions et les protocoles d’essais cliniques. Le CCC est reconnu désormais pour avoir ouvert une nouvelle ère de coopération en recherche médicale avec les collectivités.

La composition du CCC s’est transformé, à mesure que l’impact et que les réalités du VIH changeaient au fil des ans. Le comité réunit actuellement un groupe de personnes d’horizons divers, qui élargissent le spectre de la recherche et des soins entourant le VIH, tout en travaillant à plus d’équité en matière de santé. Nous vous invitons à faire la connaissance de quatre nouveaux membres qui se sont joints au CCC en 2020 :

Michael Parsons

« Je crois qu’il y a de la place pour plusieurs points de vue dans la recherche sur le VIH », affirme Michael Parsons. En tant qu’Aîné au sein de la communauté VIH, Michael a travaillé à développer des méthodologies et à élargir la portée de la recherche sur le VIH : « J’entends beaucoup de chercheurs parler d’acceptation communautaire. Eh bien, c’est quelque chose qu’il est impossible d’obtenir si la communauté n’est pas impliquée dans les techniques de recherche – c’est la voix d’un groupe qui doit servir de moteur à la recherche. »

Michael a travaillé sans relâche pour montrer aux chercheurs que le point de vue autochtone peut et doit jouer un rôle central dans la recherche sur le VIH. En particulier, il travaille à intégrer des rituels traditionnels dans les protocoles d’études. « Un rituel peut avoir une influence sur la recherche, et la recherche peut être intégrée au rituel », explique-t-il. « Voici comment nous pouvons donner une âme à la recherche. »

Michael a travaillé au Réseau canadien autochtone du sida (RCAS) depuis sa création en 2000. Il est actuellement à la tête du projet 9-Genders, qui fait la promotion d’une approche bispirituelle aux soins pour le VIH, en vertu de laquelle l’esprit, plutôt que le sexe, est porteur de l’identité de genre. « La philosophie autochtone ne fait pas de distinction, elle unit », explique Michael. « Le concept des 9 genres réunit toute la diversité des identités sous un même toit. »

Le 24 septembre, Michael a fait une démonstration de cette approche à l’occasion d’un webinaire de l’événement HIV2020, où deux autres Aînés bispirituels l’ont rejoint pour un rituel qui abordait la notion des 9 genres. Le webinaire visait non seulement à faire de la sensibilisation à ce sujet, mais aussi à promouvoir les cercles de rituels comme activités de recherche afin de générer des données; c’est une initiative que Michael développe pour alimenter ses travaux en cours auprès du RCAS. Alors que les chercheurs partout dans le monde se familiarisent avec  les nouvelles réalités d’un univers cyberconnecté, l’approche de Michael et les méthodes autochtones plus largement, pourraient être une voie à suivre à l’avenir.

Devan Nambiar

Devan Nambiar est un vétéran de la lutte pour l’équité en matière de VIH. Il a contracté le VIH il y a plus de 30 ans et a participé à de multiples groupes de défense des intérêts, à des organisations dûment formées pour les compétences culturelles, et il a déjà fait partie du CCC à deux reprises, Devan apporte une perspective à long terme à son travail. Mais jusqu’à maintenant,  c’est le fait d’avoir connu les premiers jours du VIH qui l’inspire: « Vous savez, je ne voudrais pas être trop direct, mais je ne ferais pas ce travail si je n’avais pas connu le VIH dans les années 1980 et vu tant de personnes mourir autour de moi », affirme-t-il. « C’est simplement une autre perspective qui permet de se rendre utile. »

Actuellement, Devan travaille comme éducateur sur la diversité, l’équité et l’inclusion à Toronto, où il a sensibilisé plus de 500 organisations aux minorités sexuelles et de genre (2SLGBTQ+), aux compétences culturelles et cliniques et à la médecine intégrative.

« D’une certaine façon, je suis privilégié d’avoir eu cette expérience, parce que je peux comprendre la réaction de quelqu’un à l’annonce de sa séropositivité » explique Devan. C’est la compassion qui a conduit Devan à créer un programme de recyclage des médicaments en collaboration avec l’hôpital Tambaram de Chennai, en Inde. À partir de 1998, et sur une période de cinq ans, Devan a aidé cet hôpital à s’approvisionner en antirétroviraux qui peuvent sauver des vies en recueillant les surplus de comprimés donnés par des Canadiens.

Il s’agit de la troisième participation de Devan au CCC, son dernier mandat datant de 15 ans. Lorsqu’on lui demande en quoi la recherche clinique a changé depuis ce temps, il explique : « On dispose de tellement plus de données à présent. Mais malgré l’abondance des données, nous constatons que certains groupes sont affectés de manière disproportionnée par le virus. C’est ce qui m’a encouragé à revenir au CCC, pour m’assurer que la recherche profite à tout le monde et que nous soyons tous traités également. »

Jade Vincent

Le chemin qui a mené Jade Vincent jusqu’au CCC a débuté il y a plus de 15 ans. « J’ai reçu un diagnostic de VIH en 2004, explique-t-elle, mais la première fois que j’ai parlé ouvertement à une autre personne de sa séropositivité, c’était en 2019, je vivais donc avec le VIH depuis plus de 15 ans! À partir de là, tout a déboulé, je me suis rendu compte que j’étais passée à côté d’un lien important pendant bien des années, et que j’avais une place au sein de mon groupe, que je pouvais contribuer à l’effort collectif pour améliorer notre sort à tous. »

Depuis cette révélation, Jade s’est jetée corps et âme dans la défense des intérêts des personnes touchées par le VIH. En plus de se joindre au CCC au début de 2020, elle a fait profiter plusieurs projets de recherche sur le VIH de ses connaissances en anthropologie médicale. Elle agit actuellement comme coordonnatrice de recherches pour le Portail VIH-sida Québec (pvsq), qui se penche sur l’insécurité financière des personnes vivant avec le VIH au Québec, et elle contribue aux groupes COCQ-sida et HEADS-UP 2 en tant que paire-chercheuse.

Jade est actuellement inscrite à une maîtrise en santé publique à l’Université de Montréal; sa thèse porte sur l’expérience des personnes vivant avec le VIH dans un monde où I = I (indétectable = intransmissible). « De nos jours, avec l’accès aux bons médicaments, je crois que le pire problème associé au VIH n’est pas d’en être atteint; c’est plutôt la stigmatisation et l’ignorance persistantes entourant le VIH qui compliquent nos vies », affirme-t-elle.

À présent, les expériences directes de Jade en ce qui concerne la stigmatisation liée au VIH sont sa principale motivation : « Je crois que la stigmatisation est notre principale bataille actuellement. J’espère que les chercheurs continueront de nous soutenir pour qu’un jour, nous puissions être traités avec le même respect que n’importe qui. »

Christian Hui (« he/they »)

Lorsque le Réseau a demandé à Christian Hui ce qu’il espère de réaliser pendant son passage au CCC, la réponse a été claire : « J’espère appuyer toujours plus de chercheurs séropositifs afin qu’ils réalisent pleinement le principe de participation accrue des personnes vivant avec le VIH/sida (ou GIPA pour Greater Involvement of People Living with HIV/AIDS) dans la recherche. » Ce que Christian n’a pas mentionné, c’est que lui-même a déjà amorcé le périple en tant que chercheur vivant avec le VIH, et ses gestes suivent ses paroles lorsqu’il est question de GIPA.

Christian travaille dans les secteurs du VIH et de la réduction des méfaits depuis une dizaine d’années comme pair-associé de recherche, assistant de recherche, utilisateur des connaissances et coordonnateur de la recherche pour plusieurs études communautaires. Dans ses travaux actuels, en tant que personne détenant une expérience concrète, Christian a acquis une compréhension intime du principe « rien à notre propos sans nous ». Ces expériences l’ont conduit vers des études de doctorat en politiques de la santé à l’Université Ryerson. « J’ai appris à reconnaître l’importance du co-apprentissage et de la co-création des connaissances avec les membres de la communauté », explique-t-il. En tant que pionnier-chercheur, Christian espère qu’un regard neuf sur l’équité en matière de recherche sur le VIH contribuera à améliorer la santé des membres de communautés qui de tout temps ont été opprimées, y compris les personnes noires, autochtones, de couleur (BIPOC), 2SLGBTIQ+, les utilisateurs de drogues, les nouveaux arrivants, les travailleurs du sexe et les personnes qui sont ou ont été incarcérées.

Par-dessus tout, l’implication de Christian dans la recherche a changé sa propre trajectoire : « Le fait d’avoir vécu avec le VIH pendant 17 ans me permet de dire que le virus a été un bon compagnon dans ma vie. Cela m’a donné la force et la résilience pour affronter la stigmatisation et la discrimination, fourni des occasions de participer à des mouvements communautaires internationaux comme I = I, et convaincu qu’il faut veiller à ce que les personnes vivant avec le VIH ne soient pas consultées simplement à titre symbolique, mais qu’elles soient parties prenantes de la recherche. » En tant que membre du CCC, Christian s’assurera de poursuivre des projets par, pour et à l’appui des personnes vivant avec le VIH, tout en créant des liens et des alliances avec tous les membres de la communauté séropositive.

Écrit par :

Louis Plottel

Louis Plottel joined the CTN and The Centre for Health Evaluation and Outcomes Sciences (CHÉOS) in early 2020 as a Research Assistant and Communications Coordinator. He holds a Masters in Anthropology from SOAS University, London, as well as a BA from New York University Abu Dhabi. Louis works to bring a qualitative lens to HIV and public health research, with a particular focus on ethnographic methods and knowledge translation.