Au Canada, le VIH affecte les communautés noires de manière disproportionnée. Même si les Canadiens de race noire ne représentent que 3,5 % de la population nationale, c’est parmi eux qu’on retrouvait en 2017 un nouveau cas de VIH sur quatre. « Ces statistiques montrent bien que quelque chose ne tourne pas rond », constate le Dr Winston Husbands, IP de l’essai Black PRAISE (CTN 297, Black Pastors Raising Awareness and Insight of Stigma through Engagement soutenu par le Réseau), et auteur principal de deux articles récents sur les résultats de cette intervention. « Notre réponse au VIH n’aide pas les personnes noires quand on regarde ces chiffres », poursuit-il. « Nous réclamons une approche différente ».

Par l’entremise de Black PRAISE, le Dr Husbands et son équipe ont été les pionniers d’une nouvelle approche visant à réduire la stigmatisation liée au VIH tout en renseignant les communautés noires au sujet du virus par l’entremise des églises qu’elles fréquentent, en Ontario.

Le Dr Husbands et son équipe ont créé des partenariats avec six églises noires à Toronto, Mississauga, et Ottawa afin de concevoir et distribuer de la documentation sur le VIH dans les différentes congrégations (vidéos, dépliants, sermons). L’équipe de recherche a procédé à des sondages auprès de 173 fidèles pour évaluer leurs connaissances sur le VIH et la stigmatisation qui y est associée immédiatement après l’intervention et trois mois plus tard. L’équipe a aussi recruté un pasteur et deux fidèles de chaque église pour des entrevues en profondeur. Ces entrevues ont permis de constater comment les participants avaient vécu l’intervention, afin de pouvoir intégrer leurs points de vue dans les prochaines versions.

Recherche ancrée dans les communautés

L’approche adoptée pour cette étude s’inspire de l’engagement du Dr Husbands vis-à-vis de la recherche ancrée dans les communautés. « Les chercheurs doivent écouter, être attentifs à ce que les gens leur disent », dit-il. « Comme chercheur, vous ne pouvez pas prétendre améliorer le bien-être des gens, si vous n’incluez pas la communauté ».

Cette approche, qui part de la base, vise à éveiller la conscience critique des fidèles au sujet de l’impact du VIH sur les communautés noires. En particulier, l’intervention visait à mieux faire connaître le virus, à réduire la stigmatisation qui y est associée et à en atténuer l’impact pour les personnes visées. Avec les premières entrevues, l’équipe de recherche a appris que les fidèles souhaitaient sincèrement un dialogue ouvert sur le VIH, même si l’intervention a bousculé certaines de leurs idées préconçues et attitudes.

Foi, stigmatisation et Black PRAISE

Pour le Dr Husbands, Black PRAISE est l’aboutissement de décennies de travail passées à sensibiliser la communauté noire au VIH. Ce travail-ci a débuté en 2006 à l’occasion de recherches sur la stigmatisation liée au VIH dans la communauté noire de Toronto. À l’époque, les participants soulignaient le rôle central des églises et des organisations religieuses dans les communautés noires, et ont suggéré à ces organisations de s’engager dans une réponse communautaire au VIH. « Il y a eu des tensions entre la religion et la réponse au VIH », se rappelle le Dr Husbands, mais ces tensions ont également été une occasion de faire de la sensibilisation ».

L’équipe de recherche Black PRAISE a d’abord établi des partenariats avec chaque église, ou plus précisément, avec des pasteurs, pour se greffer à des programmes existants. L’équipe a ainsi découvert que certains pasteurs connaissaient déjà passablement le VIH, et souvent, au moins une personne atteinte. Ensemble, ils ont rédigé des sermons portant sur la justice, l’empathie et la compréhension, tout en rappelant un précepte religieux intemporel de compassion pour les personnes vivant avec le VIH. L’équipe a aussi rédigé et distribué un fascicule renfermant des renseignements à jour sur la transmission, le dépistage et la prévention du VIH, ainsi que sur les déterminants sociaux de la santé, la justice sociale et des données actuelles qui font état de la surreprésentation de la communauté noire parmi les personnes vivant avec le VIH. La documentation afférente au programme incluait aussi une vidéo composée de divers témoignages des membres de la communauté, victimes de stigmatisation.

Stigmatisation : plusieurs couches se surimposent

Mais, le Dr Husbands reconnaît que le sujet de la stigmatisation au sein de la communauté noire est complexe à aborder. Son équipe de recherche et lui ont constaté que les positions morales variaient énormément au sein des congrégations, et les connaissances des gens au sujet du VIH variaient grandement d’une personne à l’autre, selon les expériences individuelles. En général, les personnes de race noire vivant avec le VIH subissent  plusieurs « couches » de stigmatisation. Tout d’abord, elles peuvent subir une stigmatisation due au VIH, mais aussi au racisme dirigé contre les personnes noires aux niveaux structurel et interpersonnel. « Les défis structurels vont au-delà de l’auto-identification, ils vont de pair avec les déterminants sociaux de la santé dans les communautés », explique le Dr Husbands. « Si vous prenez la peine d’observer, vous vous heurtez rapidement au problème du racisme. Nos chances dans la vie sont à la merci de ces facteurs, y compris aux plans des ressources et des possibilités qui nous sont offertes ».

Le Dr Husbands a rappelé la nécessité pour les interventions communautaires et celles de type Black PRAISE de travailler en tandem avec les changements structurels pour changer la société. Les campagnes de sensibilisation sont importantes pour mieux faire connaître le VIH et prévenir la stigmatisation, mais des changements à plus grande échelle, y compris dans les politiques provinciales et nationales s’imposent pour une réelle égalité et plus de justice sociale.

Au-delà des églises

Il n’en reste pas moins que les églises sont un excellent point de départ. « Les églises savent comment mobiliser les ressources et faire que les choses se réalisent, même dans la communauté noire élargie. Elles savent mieux où se situent les gens et comment mobiliser les communautés », résume-t-il.

Le Dr Husbands espère que le projet Black PRAISE fera boule de neige dans les communautés noires du sud de l’Ontario et ailleurs, et qu’ultimement, le mouvement prendra spontanément de l’ampleur, avec des ramifications dans d’autres églises noires au Canada.

Dans l’ensemble les participants se sont dits satisfaits de la documentation; ils ont effectivement acquis des connaissances au sujet du VIH et ont semblé adopter des attitudes moins stigmatisantes à l’endroit des personnes vivant avec le VIH. Dans l’ensemble, ils ont aussi acquis une compréhension critique des déterminants sociaux de la santé et du rôle que la communauté entière peut jouer dans la lutte contre le virus. En terminant, Black PRAISE a contribué à l’amorce d’un dialogue sur l’égalité, la justice et la santé holistique face à l’épidémie de VIH. Le Dr Husbands entend faire profiter les futures versions de l’intervention des nouveaux acquis et de sa recherche connexe sur les hommes noirs, la masculinité et le VIH.

On peut accéder aux récentes publications du Dr Husbands en suivant ces liens :

Love, Judgement and HIV: Congregants’ Perspectives on an Intervention for Black Churches to Promote Critical Awareness of HIV Affecting Black Canadians   (Amour, jugement et VIH : Points de vue des fidèles des communautés noires canadiennes pour promouvoir leur sensibilisation critique aux enjeux liés au VIH) (En anglais seulement)

Black PRAISE: engaging Black congregations to strengthen critical awareness of HIV affecting Black Canadian communities    (Black PRAISE : Engagement des églises noires à renforcer la sensibilisation critique aux enjeux liés au VIH qui affectent les communautés noires canadiennes) (En anglais seulement)

Écrit par :

Louis Plottel

Louis Plottel joined the CTN and The Centre for Health Evaluation and Outcomes Sciences (CHÉOS) in early 2020 as a Research Assistant and Communications Coordinator. He holds a Masters in Anthropology from SOAS University, London, as well as a BA from New York University Abu Dhabi. Louis works to bring a qualitative lens to HIV and public health research, with a particular focus on ethnographic methods and knowledge translation.