Aperçu

Pourquoi l'éradication ?

Depuis le début de l’épidémie, les chercheurs essaient de trouver des façons d’éradiquer l’infection au VIH qui s’attaque au système immunitaire et l’empêche de jouer son rôle, au moyen de traitements sûrs et efficaces. Or, à ce jour, cet objectif n’a pas encore été atteint. De grands progrès ont toutefois été faits dans la mise au point de traitements qui, s’ils sont pris chaque jour, ramènent le virus à des niveaux si bas qu’ils sont actuellement indétectables à l’aide des méthodes de laboratoire cliniquement approuvées.

S’ils sont pris régulièrement tout au long de la vie, les antirétroviraux d’association (ARVa) réduisent considérablement la mortalité et la maladie liée au VIH, mais ils n’éliminent pas entièrement le VIH de l’organisme et ne rétablissent pas la fonction immunitaire suffisamment pour permettre l’arrêt du traitement. En effet, le virus peut persister dans des réservoirs cellulaires et tissulaires spécifiques où les médicaments ne l’atteignent pas. Le VIH peut donc se cacher dans des cellules qui échappent au système immunitaire et s’y reproduire à des niveaux inférieurs au seuil de détection. Si on cesse les ARVa, le VIH présents dans les réservoirs peut réapparaitre en très peu de temps. La recherche sur l’éradication du VIH vise à surmonter le problème de la persistance virale.

Objectif

Qu'est-ce que cette ressource ?

Un effort concerté à l’échelle internationale est en cours à l’objectif de l’éradication. L’agenda scientifique principal de cette recherche est guidé par le Programme international de la Société internationale sur le sida (IAS) pour l’éradication du VIH. Au début du mouvement, le Réseau a agi à titre d’intermédiaire entre l’IAS et les IRSC afin que l’expertise scientifique canadienne soit mise à contribution dans la recherche internationale sur l’éradication. Les chercheurs canadiens, dont plusieurs coopèrent aux activités du Réseau, collaborent et contribuent à ces travaux internationaux.

Ceci est un résumé de la recherche actuellement appuyée par le Réseau sur l’éradication du VIH. Il ne s’agit pas d’une liste complète des projets canadiens de lutte contre le VIH puisque en bonne partie, cette contribution prend la forme de travaux de recherche fondamentale ou préclinique préalables à la réalisation d’essais cliniques ou alors, elle est appuyée par d’autres sources de financement. Le Réseau travaille étroitement avec des scientifiques canadiens et souhaite les aider à mener leurs stratégies d’intervention jusqu’au stade des essais cliniques.

Dr. Jean-Pierre Routy

La recherche du Réseau

Équipe de recherche spécialisée sur les vaccins et les immunothérapies

Au sein du Réseau, l’équipe de recherche spécialisée sur les Vaccins et les immunothérapies (VIT), dirigée par les docteurs Jonathan Angel et Jean-Pierre Routy, s’intéresse à la recherche sur des immunothérapies ciblées, sur des vaccins prophylactiques et thérapeutiques et sur des domaines thérapeutiques émergents et le renforcement du système immunitaire. L’équipe VIT supervise les études de recherche du Réseau en lien avec l’éradication du VIH. Voici quelques exemples de stratégies qui sous-tendent les études du Réseau en ce sens.

Stimuler la fonction immunitaire et réduire la taille du réservoir

C’est en 1998 que le Réseau a commencé ses travaux de recherche sur l’éradication du VIH avec l’essai CTN 033. Cette étude visait à déterminer si l’injection d’un vaccin (VaxSyn) pouvait ralentir la progression de la maladie et consolider le système immunitaire des participants dans le cadre d’un traitement fonctionnel, mais aucun bienfait clinique n’est ressorti de l’expérience. De même, une série de trois études (CTN 229239 et 256) a vérifié l’innocuité et l’immunogénicité d’un traitement fabriqué à partir des propres globules blancs des participants (AGS-004) pour stimuler la fonction immunitaire. L’immunogénicité fait référence à l’aptitude d’un traitement à stimuler différentes réactions immunitaires requises pour lutter contre un virus, mais cela ne s’accompagne pas nécessairement d’un bienfait clinique. Il faut approfondir la recherche pour comprendre quelles réponses spécifiques seront efficaces pour maîtriser le VIH. Même si les essais CTN 229 et 239 ont révélé que l’AGS-004 était sûr et prometteur, car il stimule effectivement le système immunitaire, l’étude CTN 256 a conclu qu’il n’exerçait pas d’effet antiviral comparativement au placebo.

Un essai pilote en cours, le CTNPT 020, se penche quant à lui sur l’innocuité et l’immunogénicité d’un autre vaccin (PENNVAX) administré directement par électroporation. Un autre essai pilote en cours, le CTNPT 027, vérifie la capacité de la metformine, un traitement naturel pour le diabète, à stimuler le système immunitaire et à réduire la taille des réservoirs viraux.

De son côté, l’étude CTN 140, une étude de validation de concept, a vérifié si l’intensification du TAR en association avec un vaccin thérapeutique (Remune) pouvait permettre aux participants de maîtriser leur VIH sans TAR. Une étude pilote subséquente, CTN 173, a conclu que la vaccination par Remune plus ALVAC, utilisée pour stimuler les réponses liées aux lymphocytes T CD8, générait une légère tendance à retarder le rebond viral durant une interruption structurée de traitement dans les populations étudiées, mais l’effet ne s’est pas révélé significatif. La taille des réservoirs n’a pas été réduite chez les participants. L’innocuité et la tolérabilité d’un autre vaccin combiné (Remune plus Amplivax) ont été confirmées lors de l’étude CTN 203.

Purger les réservoirs

L’acide valproïque, qui sert au traitement de l’épilepsie, a été testé lors de l’étude CTN 205 comme produit candidat pour déterminer sa capacité de réduire la taille des réservoirs viraux en association avec le TAR. L’acide valproïque stimulerait le VIH dormant et l’empêcherait ainsi de persister dans les cellules immunitaires. Même si l’étude a pu être réalisée grâce à un protocole unique, l’acide valproïque ne s’est pas révélé capable de réduire la taille des réservoirs.

Cibler l'intestin

La recherche sur la primo-infection par le VIH a orienté les investigateurs vers l’intestin comme foyer initial d’atteinte, d’inflammation et de translocation microbienne. La translocation microbienne s’observe lorsque des bactéries intestinales passent dans la circulation sanguine et contribuent à un phénomène néfaste d’activation et d’inflammation immunitaires. Cela fait de l’intestin une cible potentielle pour des stratégies d’intervention. L’étude CTN 257 souhaite évaluer l’impact de l’infection au VIH et du TAR sur la muqueuse intestinale et les cellules immunitaires circulantes aux premiers stades de l’infection.

L’étude CTNPT 022b, vérifie si un supplément de probiotiques en association avec le TAR peut réduire l’inflammation et l’activation immunitaire nocives, cible potentielle d’une intervention fonctionnelle. Atténuer l’inflammation pourrait réduire le nombre de cellules immunitaires ciblées par le VIH et rétablir la santé de l’intestin, préservant de ce fait la fonction immunitaire.

Des cohortes pour mieux comprendre certains facteurs dans la recherche sur l’éradication

Les différences de réponse immunitaire au TAR et au VIH lui-même d’un individu à l’autre sont importantes pour les chercheurs comme base pour la mise au point des traitements. La collaboration CANOC (CTN 242), une étude de cohorte observationnelle rétrospective nationale sur plus de 10 000 participants inscrits dans des bases de données du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador, permet aux chercheurs de dégager certaines tendances parmi les plus importantes pour les stratégies de traitement et d’éradication. La contribution du Réseau à la collaboration CANOC se fait par l’entremise de l’équipe de recherche spécialisée en l’évaluation scientifique (CES).

Une étude de cinq ans (CTN 247) suit une cohorte de sujets à progression lente, des personnes dont la progression du VIH semble maîtrisée de façon naturelle, afin de comprendre les facteurs qui contribuent à une fonction immunitaire améliorée et à divers paramètres de la maladie. L’étude EPIC4 (CTN 281), une autre cohorte prometteuse, se compose d’un groupe d’enfants et de nourrissons ayant acquis le VIH par transmission verticale durant l’accouchement, in utero ou lors de l’allaitement. Après un TAR débuté juste après leur naissance, les enfants de la cohorte EPIC4 ont obtenu une suppression virale. Cette cohorte donne aux chercheurs la possibilité d’étudier les effets d’un TAR hâtif comme stratégie d’éradication fonctionnelle, mais elle est aussi une source à long terme d’informations sur le système immunitaire, les traitements et les caractéristiques du VIH. L’étude de cohorte EPIC4 est réalisée sous les auspices de l’équipe de recherche spécialisée Prévention et populations vulnérables (PPV). À ce jour, aucun de ces enfants n’a cessé de prendre le TAR, mais quatre sont suivis étroitement afin de vérifier si l’arrêt du traitement peut provoquer un rebond viral.

Où nous situons-nous?

La recherche sur l’éradication hors du Réseau

Équipe CanCURE

Avant d’en arriver à la phase clinique, la recherche doit franchir diverses étapes et des études sont nécessaires pour comprendre les caractéristiques fondamentales du système immunitaire et du VIH, souvent à l’aide de modèles animaux. L’équipe nationale CanCURE (Canadian HIV Cure Enterprise) est un partenaire de recherche du Réseau et assure la collaboration entre les IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le SIDA (CANFAR) et l’IAS. CanCURE se consacre à trouver un remède définitif au VIH, depuis la recherche fondamentale jusqu’aux essais cliniques. Plusieurs chercheurs du Réseau sont aussi des chercheurs CanCURE : les Drs Jean-Pierre Routy, Jonathan Angel, Mario Ostrowski et Eric Cohen en sont des investigateurs principaux et les Drs Rupert Kaul et Mark Wainberg en sont des co-investigateurs.

CanCURE axe son plan de recherche autour du VIH dans les cellules des lignées myéloïdes, y compris les macrophages. Les cellules myéloïdes sont un groupe de cellules immunitaires sanguines qui sont différentes des cellules lymphoïdes (le type de cellules auquel appartiennent les lymphocytes CD4). L’équipe étudiera ces cellules souvent logées dans des réservoirs tissulaires profonds, comme le cerveau, pour comprendre les importants mécanismes de la persistance virale, en particulier dans les lymphocytes CD4, et pour mettre au point des traitements susceptibles d’épuiser ou de maîtriser le VIH dans ces cellules.

Comprendre la recherche sur l'éradication du VIH au Canada

Des études dont le principal objectif n’est pas directement axé sur l’éradication du VIH ou la réduction des réservoirs viraux peuvent elles aussi indirectement contribuer significativement au domaine de la recherche sur l’éradication du VIH. Par exemple, une découverte récente de l’étude CTN 247, sur une cohorte à progression lente ,dirigée par le Dr Cécile Tremblay, a permis d’identifier un biomarqueur sanguin (l’interleukine-32, ou IL-32) qui pourrait aider à prédire à quel moment les gens qui avaient une maîtrise naturelle de leurs taux de VIH peuvent commencer à perdre cette maîtrise. Non seulement cela représente un outil de surveillance potentiel pour la maîtrise du VIH, mais cela pourrait aussi être utilisé comme cible pour un traitement médicamenteux afin de réduire l’inflammation néfaste et la dysfonction immunitaire. Le Dr Tremblay et son équipe ont obtenu un financement du gouvernement fédéral pour approfondir leur recherche sur l’Il-32 dans ce contexte pendant les cinq prochaines années.

Outre CanCURE, les chercheurs du Réseau participent à plusieurs autres études au Canada qui ne sont pas directement appuyées par le Réseau. Par exemple, deux investigateurs du Réseau, Colin Kovacs et Mario Ostrowski, ont récemment parachevé un essai clinique sur l’impact d’un TARa hâtif et intensif (incluant raltegravir et maraviroc) sur la réduction de la taille des réservoirs viraux. Cette année, deux investigatrices du Réseau, Nicole Bernard et Cécile Tremblay, ont reçu une subvention de recherche de cinq ans de la part des IRSC pour étudier l’influence de certaines fonctions dépendantes des anticorps sur la maîtrise du VIH et travailler à la mise au point et à l’administration de nouveaux anticorps thérapeutiques efficaces. Cette recherche, qui est subventionnée pour les cinq prochaines années, souhaite contribuer à la conception d’anticorps thérapeutiques pour maîtriser l’infection au VIH. Auparavant, le Dr Routy et d’autres ont mesuré l’effet de l’IL-7 sur la persistance au VIH. Malheureusement, cet essai a montré que l’IL-7 n’exerçait aucun bienfait.

Le Réseau appuie une vaste gamme d’études en lien avec l’éradication du VIH et nos chercheurs participent à de nombreux projets qui contribuent à l’acquisition de connaissances dans ce domaine. Au-delà du Réseau, il y a de nombreuses études importantes sur l’éradication et des essais cliniques en cours au Canada. CANFAR subventionne actuellement une recherche du Dr Sadhna Joshi (Université de Toronto) sur la mise au point d’autres stratégies ayant pour but d’empêcher le VIH d’entrer dans les cellules immunitaires. Les Drs Lisa Barrett, Sharon Oldford, Nate Stepner et Marina Turner de l’Université Dalhousie font partie du projet de collaboration EpiStem. Ce groupe veut orienter et explorer l’éradication potentielle du VIH chez des patients séropositifs qui ont besoin d’une greffe de cellules souches. Le Dr Zabrina Brumme (Université Simon-Fraser) est l’investigatrice principale d’une collaboration internationale subventionnée par les IRSC qui souhaite réaliser une synthèse des connaissances sur le VIH, la génétique et le comportement viral dans le but éventuellement de mettre au point un vaccin anti-VIH. Il ne s’agit que de quelques exemples qui illustrent l’ampleur de la recherche sur l’éradication du VIH en cours au Canada. Alors que les chercheurs concernés et que les décideurs repoussent les barrières de notre compréhension du VIH, le Réseau continue de contribuer et de collaborer significativement à la recherche clinique, au Canada et ailleurs dans le monde.